MAIRES ET CURES BAS NORMANDS
  LE FEU DU CIEL
         
 

Par
Jean Des Sablons
Ancien Procureur

 

Le bon Curé de Maisoncelles qui moriginait si bien les belles dames du château avait fort à faire avec ses paroissiens ordinaires. Les gars du Pont è retours et d’ailleurs aimaient mieux aller, suivant la saison, braconner le dimanche ou plier les noisetiers en compagnie des filles de la contrée que de venir écouter ses sermons. Il avait beau prier, supplier, menacer et tonner du haut de la chaire, il ne parvenait point à ramener le troupeau au bercail.

 

Désespéré et ne sachant plus à quel saint se vouer, le Curé imagina d’effrayer ses ouailles un jour de fête qu’il y avait un peu plus de monde à l’église que d’habitude. Il fit monter son sacristain dans la charpente et lui enjoignit, quand il allait prêcher de jeter des étoupes enflammées par les trous de la voûte

 

Le voilà monté en chaire, il agite son bonnet carré plus fiévreusement encore que d’habitude, fait un sombre tableau de l’avenir qui est réservé à ses paroissiens s’ils ne veulent pas se convertir.

 
 
         
 

« Vous serez tous brûlés au fin fond de l’enfer. Malheureux endurcis ! Oui, vous rôtirez tous ! Pour vous donner un avant-goût de ce qui vous attend, je vais demander à Dieu de vous montrer un échantillon de sa colère.

 

« Feu du Ciel, consume ce peuple infidèle, » s’écria-t-il de toutes ses forces. »

Au même moment on vit tomber du haut de l’Eglise un globe de feu qui manqua de roussir la coeffe de dame Catherine et s’éteignit aussitôt après sa chute.

Les paroissiens furent pris de peur d’autant mieux qu’à l’invocation du Curé, le feu tomba à trois reprises au milieu de la nef. Une dernière fois le zélé pasteur appela le feu du Ciel sur son troupeau égaré mais la voix bien connue de Thomas le sacristain, lui répondit :

« Monsieur le Curé ! n’y a plus d’étoupes, faut-y jeter le terrinet ? »