LES FABLES DE LA FONTAINE
   
  LE CHARRETIER EMBOURBE
         
 

Le phaéton d'une voiture à foin

Vit son char embourbé.

Le pauvre homme était loin

De tout humain secours. C'était à la campagne

Près d'un certain canton de la basse Bretagne,

Appelé Quimper-Corentin.

On sait assez que le Destin

Adresse là les gens quand il veut qu'on enrage :

Dieu nous préserve du voyage !

Pour venir au Chartier embourbé

dans ces lieux,

Le voilà qui déteste et jure de son mieux,

Pestant, en sa fureur extrême,

Tantôt contre les trous,

puis contre ses Chevaux,

Contre son char, contre lui même.

Il invoque à la fin le Dieu dont les travaux

Sont si célèbres dans le monde :

Hercule, lui dit-il, aide-moi ; si ton dos

A porté la machine ronde,

Ton bras peut me tirer d'ici

Sa prière étant faite, il entend dans la nue

Une voix qui lui parle ainsi :

Hercule veut qu'on se remue,

Puis il aide les gens. Regarde d'où provient

 L'achoppement qui te retient.

Ôte d'autour de chaque roue

Ce malheureux mortier, cette maudite boue

 

Qui jusqu'à l'essieu les enduit.

Prends ton pic, et me romps

ce caillou qui te nuit.

Comble-moi cette ornière. As-tu fait ?

Oui, dit l'homme.

Or bien je vas t'aider, dit la voix :

prends ton fouet.

 

...

Illustration de Gustave DORE

 
   

Je l'ai pris. Qu'est ceci ?

mon char marche à souhait.

Hercule en soit loué. Lors la voix :

Tu vois comme

Tes Chevaux aisément se sont tirés de là.

Aide-toi, le Ciel t'aidera.