|
||||||||||
La tarasque de Tarascon
Au cours de la Renaissance, le Grand schisme d'Occident étant fini — ce qui avait permis au comte de Provence d'être à nouveau roi de Naples —, il fallut exorciser les craintes. À Tarascon c'était les crues du fleuve. Et la légende des saintes de Béthanie, Marthe et sa sœur Marie, venues évangéliser la Provence et faire fuir tous ses maux, reprit vie. On trouva même une date précise à leur arrivée. Elles avaient débarqué aux Saintes-Maries-de-la-Mer en l'an de grâce 48. Et Marthe avait donc dominé la Tarasque peu après. De plus, tous se souvenaient de la piété des rois de France qui étaient venus pèleriner sur le tombeau de la sainte à Tarascon. Tout d'abord, Clovis, qui était tombé malade au cours du siège d'Avignon et qu'elle avait guéri, puis Louis IX, qui était devenu saint, et son frère Charles Ier, comte de Provence et roi de Naples. Et l'actuel roi René était leur successeur.
Cette légende donna naissance à des festivités, créées par le Roi René d'Anjou en 1469. Elles se déroulaient alors sur deux jours, le second dimanche après la Pentecôte, et reprenaient ensuite le 9 juillet pour la fête de Marthe, patronne de Tarascon12. Le roi les présida jusqu'au 14 avril 1474, date à laquelle il créa l'ordre des Tarasquaires. Ces fêtes étaient destinées à exorciser le mal qui, pour les riverains du Rhône, se traduisait par les débordements intempestifs du fleuve. On accusait, entre autres choses, la Tarasque de bousculer les digues péniblement établies, de rompre de ses coups de queue les barrages qui empêchaient les eaux d'inonder la Camargue. On fabriqua alors un monstre qu'on lâchait dans les rues.
L'effigie était naïve mais impressionnante : immense carcasse de fer de 6 mètres de long, au corps en forme de tortue, hérissé de piquants, une tête humaine avec des moustaches gauloises, des oreilles triangulaires, des dents de poisson carnivore et une longue queue qui balaie tout sur son passage. À partir de Pentecôte puis les 50 jours suivants, elle devait rappeler au peuple ce monstre qui l'avait terrorisé.
Au XIXe siècle, les apparitions de ce monstre sont encore assez menaçantes : la queue très longue, constituée d'une poutre, traverse la foule qui, comme dans les abrivades, montre son habileté en bravant ou en essayant de toucher le monstre tout en lui échappant. À son passage, il était d'usage (et c'est encore l'usage aujourd'hui) de pousser le cri traditionnel :
Lagadeou, lagadigadeou, la Tarascou Lagadeou, lagadigadeou, lou Casteou
À l'époque, la périodicité de cette fête était aussi imprévisible que les inondations qu'elle était censée exorciser. La Tarasque courut en 1846, 1861, 1891 et 1946.
Jusqu'à la fin du XIXe siècle, ces fêtes s'accompagnaient de jeux et d'une procession menés par les différentes corporations de métiers : vignerons, portefaix, bergers, jardiniers (maraîchers, fermiers, métayers) mais aussi des bourgeois. La présence de ces corporations, qui représentaient les métiers de la Provence, symbolisait la renaissance fertile lors des fêtes de Pentecôte.
Désormais, la Tarasque ne sort qu'une fois par an, en principe le 29 juillet, jour de la Sainte-Marthe ; mais pas toujours : en 2016, par exemple, ce fut le 26 juin. Il ne reste plus grand-chose du rituel processionnel ; il s'agit plutôt d'une exhibition folklorique et touristique.
Tous les ans, pendant les fêtes de la Tarasque, on la voit défiler dans les rues de la ville, ce qui est devenu un argument touristique. Le reste de l'année, on peut la voir dans son antre dans la Rue des Halles. |
||||||||||