MAIRES ET CURES BAS NORMANDS
  LA SAINTE TRINITE
         
 

Par
Jean Des Sablons
Ancien Procureur

 

Ce jour-là on célébrait en grande pompe l’adoration perpétuelle à La Bijude. Le Curé, suivant l’usage, avait invité bon nombre de ses confrères des paroisses voisines à venir dîner à midi au presbytère ; il avait aussi invité à sa table les chantres de son église, mais brouillé depuis huit jours avec son sacristain il l’avait laissé de côté. Celui-ci en était vexé et il résolut de se venger.


Un Curé voisin avait été prié de donner le sermon entre vêpres et complies et comme c’était un prédicateur en renom, il allait y avoir foule pour l’entendre.

 

L’heure des vêpres arrive et nos bons gaillards que le cidre bouché et le Calvados ont mis en train se rendent à l’église. Le prédicateur attend dans la sacristie le moment de monter en chaire. Il y est enfin conduit par le sacristain qui le regarde en dessous d’un air moqueur.

 
 
 
     
 

Après s’être recueilli un instant, notre nouveau Bossuet promène ses regards sur l’assistance et d’un ton assuré, la main appuyée sur le bord de la chaire débute ainsi :


« La Sainte Trinité, mes frères… » mais sentant quelque chose d’humide et de gluant il retire sa main pour la poser un peu plus loin.


« La Sainte Trinité, mes frères… » recommence le prédicateur ; mais cette fois encore il s’arrête, ne comprenant pas que sa main se colle si facilement sur les bords de la tribune sacrée. Il la retire pour la placer à un autre endroit sans plus de succès car la chaire a été frottée par le sacristain sur tous les bords.
Portant alors vivement la main à son nez et renouvelant pour la troisième fois son exorde tout en respirant l’odeur :


« La Sainte Trinité, mes frères, dit-il… mais c’est de la m… de chien ?!!? »