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Comment un officier en tenue doit-il saluer une femme, dans le cas où il est hors de son service, où il n'est qu'un passant comme un autre ? Doit-il se découvrir, ou peut-il se contenter de porter la main à son front, en dessinant le salut rnilitaire ?
En fait, elle est extrêmement intéressante pour les sociétés des villes de garnison, où il existe des rapports continuels entre l'élément militaire et l'élément civil.
C'est pourquoi, j'ai pensé à la traiter ici.
Tout d'abord limitons bien la discussion. Il ne peut s'agir, en la conjecture, du cas où l'officier se rend au quartier pour une revue en tenue de parade, avec casque ou shako à plumes, - tenue qui exclut toute infraction à la correction justement exigée du soldat sous les armes, - mais simplement du cas où il est dans la rue, comme un autre passant quelconque, et libéré conséquemment des rigueurs professionnelles. | Leonec | |||||||||
Il y a une quinzaine d'années, le commandant du 18e corps prit sur lui de réglementer la chose : il nia ce que j'appellerai la « liberté de ville » de l'officier, et donna des ordres catégoriques pour que ce dernier se bornât au salut militaire, quelles que fussent les circonstances et envers qui que ce fût.
M. Ginisty prit l'affaire en main. Il démontra sans peine qu'une femme n'est point obligée d'être au courant des coutumes militaires, et que contraindre à la sèche mesure d'un geste automatique et froid un officier vis-à-vis telle amie chez laquelle il aura, je suppose, dîné la veille, équivalait à briser toutes relations entre les garnisons et la société.
A la suite du bruit causé par l'incident, plusieurs commandants de troupes, qui avaient déjà souscrits à la manière de juridiction établie par le chef du 18e corps, vinrent à résipiscence. On salua militairement à Bordeaux, on se découvrit à Paris. Je ne suis pas bien sûre qu'un ou deux Ministres de la guerre ne lancèrent pas des circulaires à ce sujet. En tout cas, elles sont ou désuètes ou périmées, à ce qu'il paraît puisque l'hésitation renaît et qu'il faut choisir un colonel comme arbitre.
Se découvrir est « pékin » ? Ne pas se découvrir est choquant - ... Attendez : il y a un moyen de tout arranger :
Rien de plus simple, de plus gracieux, ni de plus éloquent que ce salut. Exécuté à la lettre, il est de la plus correcte sobriété qui se puisse concevoir. Accentué d'un sourire il marque à volonté toute la gamme de la sympathie et de l'intimité. Le général n'y trouvera rien à redire. La femme saluée l'estimera hommage très suffisant. Il est déjà usité dans nombre de villes de garnison, et 1'on demeure stupéfait qu'il n'ait pas universellement force de loi.
Il primerait joliment, en tout cas, le bête salut civil auquel je défie bien qui que ce soit d'attribuer un sens commun | ||||||||||