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La fileuse
Il y avait une femme qui battait sa fille ; il passa par là un monsieur qui lui dit : " Ma bonne femme , pourquoi donc que vous battez votre fille ? " - " Elle file , elle file tant que je ne peux pas l'entretenir de filasse " . - " Donnez-la moi , je l'entretiendrai bien de filasse " . Il emmena la fille et lui donna une grande paque de filasse à filer. La fille se mit sur la porte à pleurer. Il passa par là une grande femme qui avait de grandes dents et qui lui dit : " Ma pauvre fille , qu'est - ce que vous avez donc à pleurer ?" - " II m'a été donné une grande paque de filasse à filer et je ne sais comment atteinter mon rouet". - "Eh bien ! si vous me promettez de m' inviter à vos noces , votre paque de filasse sera filée pour ce soir n . Le lendemain, le monsieur lui donna encore une paque défilasse à filer. La fille se mit sur la porte à pleurer. Il passa une bonne femme qui avait de grosses lippes . Elle dit à la fille : " Qu'est - ce que vous avez donc à pleurer ? " - " II m'a été donné une paque de filasse à filer et je ne sais comment la filer ". - " Si vous voulez m'inviter à vos noces , votre paque de filasse sera filée pour ce soir " . Le monsieur lui en donna encore une . Elle se mit encore à pleurer sur la porte . Il passa encore une bonne femme qui trainait sa couraie . Elle lui dit : " Ma pauvre fille, qu'avez vous donc à pleurer ? " -"II m'a été donné une paque de filasse à filer et je ne sais comment la filer " - " Si vous voulez m'inviter à vos noces, votre paque de filasse sera filée pour ce soir " . Le monsieur ne lui donna plus de filasse et l'épousa . Alors la fille appela : " Bonne femme, grandes dents venez à mes noces , venez , venez " . Et le monsieur lui dit: " Ma pauvre bonne femme, qu'est-ce qui vous a fait allonger les dents comme ça ?" - M J'ai tant filé , tant travaillé que mes dents ont allongé comme çà " . La fille appela encore : M Bonne femme , grosses lippes , venez à mes noces, venez, venez ". Et le monsieur lui dit : n Ma pauvre femme, qu'est-ce qui vous a fait grossir les lèvres comme çà?" - n J'ai tant filé, tant travaillé, que mes lèvres sont devenues grosses comme çà". La fille appela encore : " Bonne femme , traine-couraie, venez à mes noces, venez ". Et le monsieur lui dit : "Ma pauvre femme, qu'est-ce qui vous a fait sortir la couraie du corps ? w - " J'ai tant filé , tant travaillé que ma couraie est sortie de mon corps " • Le monsieur alors brisk le rouet , et j'dan- simes, et j'fricotimes, et je ne filimes plus.
(Ed . Le Héricher , Littérature populaire de la Normandie dans les Mémoires de la Société d'archéologie. d'Avranches et de Mortain, t. VII, 1885, pp. 149-150).
Ce conte a été recueilli à Céaux (Manche) par Ed. Le Héricher, de la bouche d'une filette de douze ans, Marie Chauvois, pâtouresse. |
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