VIEILLES PROVINCES DE FRANCE
   
  LA CHAMPAGNE    -8
         
 

La Champagne est une ancienne province française (comté palatin) qui recouvrait l'actuelle région administrative Champagne-Ardenne, le sud du département de l'Aisne et la majeure partie du département de Seine-et-Marne jusqu'à la Brie mouvante, située entre le cours supérieur de l'Yerres (D20 et D49 approximativement) et la via Agrippa (D209), et la Brie française. Au nord, la frontière changeante avec la Principauté de Liège incluait Sugny, excluant Givet. Son terroir a donné son nom au vignoble de Champagne.

 
         
 

Formée en 1065 par une réunion autour de Provins, troisième métropole du Royaume, de comtés issus du démantèlement de l'Austrasie, cette province devient au Moyen Âge un pôle économique majeur en Occident grâce aux foires de Champagne qui se succédaient dans ses différentes villes tout au long de l'année. À la cour de Champagne avide de raffinement, celle entre autres de Thibault de Champagne, importateur de la rose des parfums, la Rose de Damas, les premiers écrivains français, tel Chrétien de Troyes, inventent la littérature courtoise et érigent la langue vulgaire au rang de standard culturel. Jusqu'à la réunion au domaine royal en 1284, les comtes de Champagne, pairs de France, jouent un rôle politique aussi important que celui des évêques de Reims, qui sacrent le roi de France.

 
 
 
     
 

Le comté de Champagne

 

Le pôle champenois des Blois (1125-1151)

 

Thibaud le Grand est le fils de sa mère, Adèle de Normandie, sœur du roi d'Angleterre Henri et femme savante qui illustre le règne des femmes provoqué par le départ des maris en croisade et la naissance de la société courtoise. Elle exerce la régence sur le double domaine de la Maison de Blois, val de Loire et Champagne, jusqu'en 1120. C'est l'époque où, les juifs bénéficiant en Champagne d'une relative tolérance, prospèrent les tossafistes.

 

Emancipé, Thibaud le Grand jouit d'une administration sans égale et d'un réseau d'alliés fiable qui lui permet d'étendre sa suzeraineté sur de nombreuses seigneuries dans le diocèse de Reims et sur le port clef de Nogent. Il négocie avec l'abbaye de Saint-Denis les donations de fiefs qu'elle ne maitrise plus depuis les invasions normandes mais qui fournissent de nouveau Paris en blé. En 1129, au concile de Troyes, il fonde avec Hugues de Payns l'ordre des Templiers, qui devient en quelques décennies le premier réseau bancaire. Avec Pierre Abélard, il fonde la même anne une abbaye de prestige, le Paraclet.

 

 

«Carte du Dauphiné» par Oie blanche

 

Partie septentrionale du gouvernement général de Champagne où se trouvent le Retelois, le Rhemois, la Champagne propre, partie de la Brie et du Pertois, etc. et Partie méridionale du gouvernement général de Champagne qui comprend la Champagne propre, la Vallage, le Bassigny, le Senonois, et une partie de la Brie et du Perthois, Robert de Vaugondy

 
 

 

 
 

Sous la direction d'Héloïse refondant la liturgie, l'abbaye devient le premier centre de production musicale de son temps et la première école pour femmes.Ce n'est qu'à la génération suivante, en 1152, à l'avènement de son fils aîné Henri le Libéral, que la Champagne devient un état distinct, le domaine de Blois revenant au cadet.

 
 

 

     
 

La Champagne thibaldienne (1152-1283)

 

Henri le Libéral recueille le bénéfice des alliances de sa mère Mathilde de Carinthie avec les cours les plus importantes et plus encore des institutions mises en place en 1147 par son père Thibaud le Grand:

  - Le marc de Troyes, qui sert à étalonner le denier et la livre de Provins, monnaie de référence dans les échanges commerciaux entre le port de Boulogne et Milan, en usage depuis la première moitiè du IXe siècle, et lui garantit désormais un bon aloi.

   - L'once troy, unité de mesure des métaux précieux et des épices utilisée comme référence dans tout l'Occident,

   - Le conduit, qui est une caisse d'assurance à laquelle cotisent les marchands important et exportant par les foires de Champagne,

le garde-foire, chambre d'enregistrement des écritures comptables et tribunal de commerce itinérant.

 

Elles contribuent à faire de la Champagne la province la plus prospère de l'époque. Six fois plus populeuse qu'aujourd'hui, Provins est alors la troisième ville de France, après Paris et Rouen.

 
 
         
 

Le comte de Champagne est plus riche que son suzerain, le roi de France. À la cour de la régente Marie de France, Chrétien de Troyes, Gace Brulé, Gautier d'Arras, Guyot de Provins, Huon d'Oisy, Geoffroi de Villehardouin, abandonnant le latin aux moines, font émerger, un siècle après l'exemple normand de Turold comme en écho à leur contemporaine la poétesse Marie, une littérature en langue vulgaire. Au sein d'une population renouvelée par un développement démographique exceptionnel, ils diffusent le standard linguistique de la vallée de la Loire dont son originaire leurs princes et repoussent sur les marges du domaine du champenois les langues picardes et wallones qui partagent le territoire de l'ancienne Belgique.

 

Le fils aîné du comte et de la comtesse, Henri, est élu en 1192 roi de Jérusalem. En 1201, le neveu et successeur de celui ci, Thibaud le Chansonnier, hérite de son père mort quelques jours avant sa naissance la pairie de France et de sa mère le royaume de Navarre. C'est à celle-ci qu'échoit, trois ans après la mort de Marie de France, la régence. Elle fixe à Provins sa résidence et celle de ses successeurs. La capitale comtale devient une ville drapante spécialisée dans le « ners de Provins », étoffe de laine produite par les innombrables moutons de la « Champagne pouilleuse », puis teinte en noire dans le Durteint et certifiée par le sceau de la corporation des maîtres tisserands. Elle devient aussi la capitale de la mode, qui est dessinée en Italie et portée tant à la cour qu'à la ville.

 

Les guerres de succession de Champagne provoquent en 1226 l'érection d'une des plus formidables enceintes fortifiées de l'époque, le rempart de Provins, achevé dix ans plus tard. La succession réglée en 1234, la prospérité revient au prix d'une dévaluation de la livre de Provins. En 1254, la cour de la régente Marguerite de Bourbon, troisième femme de feu Thibaud le Chansonnier, reçoit, dit la tradition, Robert de Brie de retour de croisade, lequel a dans ses bagages un plant de rose de Damas. Des boutures du cultivar odorant sont remises aux nobles visiteurs et se diffuse dans toutes les cours d'Europe.

 

En 1276, Blanche d'Artois, belle fille de feue Marguerite de Bourbon, veuve depuis deux ans et régente à son tour, épouse Edmond de Lancastre. Prince consort pendant huit ans, c'est ce frère du roi Edouard qui décide de porter sur ses armes la rose de Provins, que la seconde Maison de Lancastre prendra en 1485 comme emblème de sa victoire contre la Maison d'York à la fin de la guerre des Deux Roses, la rose de Lancastre.

 

La Champagne capétienne (1284-1453

 

La Champagne est réunie à la France à la suite du mariage prononcé le 14 août 1284 entre l'Infante Jeanne de Navarre et le Dauphin Philippe le Bel, prince de seize ans qui accède au trône de France l'année suivante. La Champagne garde son indépendance juridique jusqu'à la mort de celui-ci en 1314 et c'est son fils Louis X le Hutin, en tant qu'unique héritier des deux états, qui la rattache définitivement au domaine royal. Auparavant, le gouvernement de Philippe le Bel se sera empressé, pour renflouer les caisses d'un royaume en faillite, de ruiner le commerce champenois non seulement en spoliant et détruisant le principal réseau bancaire sur lequel il s'appuyait, l'Ordre du Temple, mais en décrétant des impôts successifs pour les nombreux juifs champenois, 25 000 livres comme « don de joyeux » pour fêter son avènement en 1285, des tailles arbitraires en 1288, 1291, 1293, 1296, une taille majorée de 14 % en 1298, de nouveau des tailles confiscatoires en 1299, 1300 et 1301.

 

La Champagne, épargnée dans un premier temps, est profondément touchée à partir de 1358 par la guerre de Cent Ans, dont elle devient un des principaux champs de bataille parcourus par les routiers. Le 9 juin, les mercenaires d'Étienne Marcel et Charles de Navarre renforcés de Jacques assaillent Meaux. Sept mil Jacques sont jetés dans la Marne et Meaux est incendiée par les croisés de captal de Buch.

 
         
 

Les pillages sont perpétrés loin dans les campagnes, comme à Nogent, incendié l'année suivante au terme d'une chevauchée du roi Édouard. Le 23 juin 1359 à Chaudefouace, la grande compagnie de Brocard de Fenestrange et la milice de l'évêque de Troyes Henri de Poitiers repoussent les troupes anglaises d'Eustache d'Abrichecourt dans Nogent et Ponts.

 

Le front se déplace à travers la Champagne. Les granges, usines agricoles qui rassemblent matériels et personnels, sont incendiées, les bâtiments isolés qui pourraient servir de bastions sont rasés, les campagnes désertées, la population qui survit à la peste noire se réfugie dans les villes, la circulation des marchandises et des personnes devient très risquée, la production agricole s'effondre et fait place à une économie de guerre. De 1417 à 1433, la capitale comtale est occupée par l'armée anglaise. Le traité de Troyes signé en 1420 ne fait que figée la situation et n'apporte pas la paix.

 

La province de Champagne

 

De la Renaissance à la Révolution (1454-1790

 

À la fin du XVe siècle, la Champagne est rattachée fiscalement à l'Île-de-France pour former la généralité d'Outre Seine et Yonne. Elle en est séparée en 1542 pour former la généralité de Champagne mais la Brie, avec Provins, reste dans la généralité de Paris tandis que Langres, antiquement bourguignonne, lui revient.

 

Les intendants de Champagne siègent à Châlons de 1615 à 178916. Leur circonscription subit au sein des Cinq Grosses Fermes la contrebande des faux saulniers qui y revendent avec une plusvalue, d'environ deux cent pour cent, le sel gemme de la Lorraine voisine, où la gabelle est abaissée par le régime fiscal de « salines ».

 

 

Blason de la Champagne


Champagne capitale : Châlons

 
Composition : d'azur à la bande d'argent côtoyée de deux doubles cotices potencées et contre-potencées d'or


Les potences (du latin potentia : puissance) des cotices symbolisent les châtellenies relevant des comtes de Champagne. C'est en 923 que commença la lignée des comtes de Champagne avec Herbert de Vermandois. La branche de Vermandois s'étant éteinte en 1019, le comté passa entre les mains d'Eudes II, fils d'Eudes Ier, comte de Blois. Les comtes de Champagne de la maison de Blois furent illustrés par Thibaut IV le Chansonnier (1201-1253), ferme soutien de Blanche de Castille lors de la révolte des barons. La Champagne fut réunie à la Couronne en 1284, suite au mariage de Philippe le Bel, futur roi de France, avec Jeanne, fille d'Henri III le Gros, roi de Navarre et comte de Champagne.