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La fondation de Dunkerque
Une légende lie Éloi à la fondation de Dunkerque, et à Allowyn - ou Hallewyn -, un géant des Flandres à qui l'on prête beaucoup d'aventures :
Elle se passe au temps du bon roi Dagobert. Dunkerque, à l'époque, n'est rien. Ou presque : une petite église dans les dunes (Duine kercke : l'église des dunes) et quelques huttes au milieu d'une région marécageuse souvent recouverte par la mer (la côte ne fut vraiment fixée dans cette région qu'au XIIIe siècle, ce qui n'interdit pas d'autres inondations, parfois volontaires, pour raison de défense contre l'envahisseur, les dernières ayant été pratiquées lors de la Seconde Guerre mondiale). La ville importante, alors, en ces lieux durs et sauvages, était Mardyck, riche d'un port qui commerçait avec tous les pays du Nord. De l'Escaut à la Somme, on ne connaissait aucun port qui pût rivaliser avec Mardyck. Or, un beau matin, les habitants de Mardyck virent la mer couverte d'étranges barques à l'avant recourbé, où s'agitaient des guerriers immenses et chevelus. | Saint Eloi | |||||||
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Hélas, ces guerriers étaient affamés. À peine débarqués, ils se mirent à dévorer les enfants. Ils tuaient aussi les parents - ceux du moins qui n'avaient pu s'enfuir -, mais n'appréciaient pas leur chair qu'ils jugeaient sans doute trop dure. Ils n'accordèrent grâce qu'aux jolies filles, pour les raisons que l'on devine.
Ces guerriers étaient les « Reuzes », de hardis marins venus de très lointains pays du Nord. Ils jugèrent le site de Mardyck agréable, les maisons des bourgeois confortables, quoiqu'un peu étroites, et les provisions de leurs caves succulentes. Quelques habitants, réfugiés dans le château de la ville, faisaient mine de résister.
Mais les Reuzes, qui n'avaient pas réussi à les vaincre, finirent presque par les oublier. Jusqu'au jour où, les meilleures choses ayant une fin, les provisions vinrent à manquer. Les Reuzes, après une nouvelle attaque infructueuse contre le château, décidèrent d'effectuer des razzias dans le plat-pays d'alentour. Les voilà partis sous la direction d'un géant redouté, un féroce, un avide dont le seul nom glaçait de terreur tous les habitants de la région. Il s'appelait Allowyn.
Chaque semaine, des commandos de Reuzes menés par Allowyn allaient faire provision, de victuailles, d'enfants dodus et de jolies filles dans les quelques bourgades qui avaient résisté à leur fureur et à celle des flots : Wattanum (aujourd'hui Watten), Burg-in-Brock (aujourd'hui Bourbourg), et enfin Duine Kercke.
La route de Duine Kercke allait être pour Allowyn une sorte de chemin de Damas. Un beau matin, alors qu'il y débarquait, il se prit les jambes dans les cordages de son navire et tomba sur le visage. Ce qui eut pour effet de lui faire entrer son épée dans la poitrine. Tout le monde le crut mort, à commencer par les pêcheurs dunkerquois qui, réconfortés par ce coup du sort, se jetèrent sur les Reuzes. Ceux-ci, catastrophés, privés de leur chef, cherchèrent le salut dans la fuite. Les pêcheurs s'approchèrent ensuite du corps d'Allowyn : ainsi, c'était donc lui, le géant, le monstre qui avait fait périr leurs enfants et pleurer leurs femmes !...
Saint Éloi, justement, passait par là. Il aimait cette toute petite bourgade dont il avait converti les habitants et fait construire la première église. Il y venait assez souvent et, le jour où Allowyn se transperça malencontreusement la poitrine, l'évêque-orfèvre venait de prendre un bain. Il se trouvait donc sur la côte. Voyant les pêcheurs affairés, il se précipita, les écarta, bénit Allowyn et le fit porter dans sa demeure.
On ne les revit plus de quinze jours. Personne n'osait rien dire ou demander, tant était grande l'autorité d'Éloi. Le seizième jour enfin, saint Éloi fit sortir le géant, guéri, et l'amena à l'église, où il le baptisa et le maria à la plus belle fille du pays. Allowyn s'y installa à demeure, devint le chef des habitants à qui il fit construire des remparts, des tours et des bâtiments.
Ainsi, selon la légende, naquit Dunkerque.
Cette légende ajoute que le géant, par sa force, sa ruse, sa piété, les relations qu'il avait avec les Reuzes, ses anciens compagnons, réussit à écarter de la nouvelle ville les fléaux qui s'abattaient sur tout le pays. Il vécut longtemps : cent ans, un mois, une semaine, un jour et une heure. Le dernier jour, il monta sur une tour, resta longtemps silencieux à regarder vers le nord d'où il était venu, puis il vida une coupe de vin, la lança dans les flots et s'affaissa. En souvenir de lui, les habitants fabriquèrent un grand mannequin d'osier et construisirent une immense tour, à peu près de la même hauteur près de la principale église de la ville. Cette église fut dédiée à saint Éloi. | ||||||||