LA REVUE ILLUSTREE DU CALVADOS    1911-1914 
   
  Avant les noces       - Juillet 1912
         
 

A mesure que s’avance le délai imparti entre la promesse et le mariage se multiplient les occasions d’énervement.


Petits dîners d’abord, puis grands repas de famille ; visites de-ci, visites de-là ; choix d’un appartement ; courses chez le tapissier, chez le marchand de meubles, chez la couturière, chez la lingère, chez la modiste ; graves conférences chez le notaire : aria des invitations ; recherche de combinaisons savantes pour ne pas mettre ensemble dans le cortège le cousin X et la tante Z qui s’exècrent, ou pour réserver un place honorable au vieil oncle Y, tonton à l’héritage, ne n’oublions pas ! Corvée des Visites de cérémonie chez les gens du cortège ; élaboration du lunch et de la soirée dansante ; étude approfondie de l’indicateur des Chemins de Fer, afin de fixer l’itinéraire du voyage traditionnel. Et les effusions qu’il faut subir : Ma chérie par ci, ma mignonne par là ; tant de gens qui vous comblent comme si vous deveniez un personnage capital ; plus une minute à soi ; un effarement montant progressivement au paroxyme ; des envies de rire et de pleurer vous prenant sans savoir pourquoi ; à peine le temps, dans ce vertige, d’échanger avec Lui des étreintes furtives interrompues par les plaisanteries plus ou moins bêtes des parents, des amis, des étrangers qui envahissent la maison :

 

Fabiono   Les CPA LPM n°45

 
     
 
 

Voilà le tableau de la dernière semaine.

Comme tout cela est peu en rapport avec l’importance de l’acte qui va s’accomplir !... Parole, quand la fille de la maison se marie, on dirait que la maison entière perd la tête ! Quelle préparation – je ne parle pas au point de vue du moral qui exigerait certainement un calme plus propice – mais au point de vue de l’ébranlement de la santé de l’enfant, laquelle va avoir à lutter contre l’éreintement matériel des cérémonies, le choc du mariage proprement dit, et enfin le surménement du voyage de noces !

Oh ! du reste, je ne prétends pas introduire dans la circonstance l’ombre d’un conseil, qui, d’avance serait inapplicable et conséquemment rejeté... Je me borne à peindre... On lutte contre les difficultés graves. Contre les coutumes absurdes, librement acceptées, rien à faire. N’est-ce pas, mesdames les mamans ?